
Des ferries GNV équipés pour le GNL, mais où sont les infrastructures portuaires ?
Gênes – Il y a quelques jours, Matteo Catani, directeur général de GNV, a appris que les chantiers navals chinois livreront avec 11 mois d’avance les deux ferries à gaz naturel liquéfié (GNL) commandés par la compagnie. Ainsi, le premier navire arrivera en Italie d’ici la fin de l’année, et le second à la mi-année prochaine.
Si cette efficacité est une bonne nouvelle, elle pose néanmoins un problème : d’ici dix mois, GNV devra gérer un ferry conçu pour fonctionner au GNL, bien qu’il puisse également utiliser un carburant traditionnel. Or, comme l’a souligné Catani, les infrastructures portuaires italiennes ne sont pas encore prêtes pour l’avitaillement en GNL. Il appelle donc le gouvernement et les institutions à moderniser les infrastructures portuaires, à adopter le « cold ironing » et à développer un réseau de distribution à faible impact environnemental, incluant le GNL.
Un retard qui freine l’exploitation des ferries au GNL
Actuellement, plusieurs navires de croisière alimentés au GNL, comme ceux de Costa et MSC, se ravitaillent en Espagne et en France, intégrant ces escales dans leurs itinéraires. En revanche, les ferries, qui opèrent sur des trajets fixes entre deux ports, dépendent d’un avitaillement disponible à chaque terminus. « L’Italie est en retard », déplore Catani, qui siège également au conseil d’Assarmatori. Il précise que GNV pourrait repositionner ces ferries sur des lignes comme Barcelone-Baléares, où l’approvisionnement est possible, mais cela impliquerait de revoir l’organisation, la promotion et les investissements.
« Les navires ne se déplacent pas sur une carte comme des pions de Risk », ajoute-t-il, soulignant les coûts et l’impact humain de telles décisions. Autrefois, il y avait un dilemme : fallait-il d’abord construire les navires à GNL ou les infrastructures de ravitaillement ? Aujourd’hui, les navires existent, mais les terminaux sont toujours absents en Italie.
Une transition énergétique urgente pour le maritime
Beniamino Maltese, vice-président de Confitarma, rappelle que la plupart des commandes de grands navires concernent désormais des unités alimentées au GNL ou au méthanol. « L’Italie, qui possède la troisième plus grande infrastructure côtière mondiale, devrait intégrer les dépôts de stockage et les terminaux dans ses plans portuaires. D’autant plus que les délais d’approbation sont souvent plus longs que ceux de construction », explique-t-il. Il propose un plan de transition énergétique 5.0 pour encourager l’usage de carburants alternatifs et la construction de navires de ravitaillement en gaz, comme le font déjà des pays comme les Pays-Bas et la Norvège.
Des infrastructures insuffisantes et des démarches administratives lentes
En Italie, les processus d’approbation freinent le développement des infrastructures. Les autorités portuaires, les institutions et les associations professionnelles ont défini des lignes directrices pour le ravitaillement en GNL, mais elles doivent encore être validées par les pompiers, avant d’être approuvées par le ministère des Transports et mises en application par les Capitaineries. Selon Dario Soria, directeur général d’Assocostieri, l’Italie pourrait déjà assurer un approvisionnement annuel de 500 000 tonnes de GNL, mais en 2024, seules 3 000 tonnes sont destinées au transport maritime, contre 150 000 tonnes pour la route.
Actuellement, seules quatre infrastructures sont opérationnelles (Ravenne, Marghera, Oristano et Brindisi), tandis que les projets de rigazéification à Panigaglia et Livourne devraient être validés d’ici la mi-année. Le terminal de Vado Ligure, en revanche, reste sans perspective claire.
Besoin d’investissements dans la logistique maritime
En plus des infrastructures terrestres, l’Italie doit investir dans la construction de barges de ravitaillement. Même si certains armateurs, comme Cosulich à Gênes et Axpo à Naples, ont commencé à investir dans ce secteur, leur développement a pris du retard par rapport à d’autres pays, en raison des incertitudes réglementaires. Or, avec la croissance attendue de la flotte à GNL, ces navires de soutage seront essentiels.
Maltese met également en garde sur l’importance d’assurer une distribution nationale de gaz. Avec la montée des tensions commerciales, ce qui est aujourd’hui un approvisionnement standardisé pourrait devenir plus coûteux et difficile d’accès à l’avenir.
Une évolution nécessaire pour répondre aux normes environnementales
Le GNL est actuellement le carburant privilégié par les armateurs pour répondre aux réglementations environnementales internationales et européennes. L’Organisation maritime internationale (OMI) vise une décarbonation complète du secteur d’ici 2050. Le GNL, avec le méthanol, est considéré comme un carburant de transition avant l’adoption de solutions zéro carbone comme le biogaz et le gaz synthétique. La directive « Fuel EU » incite d’ailleurs les armateurs à utiliser le GNL jusqu’en 2039.
D’après le dernier rapport d’Assocostieri, le nombre de navires à GNL passera de 869 à 1 271 d’ici 2030. En 2024, 70 % des nouvelles commandes concernent des navires à double alimentation (GNL et carburant traditionnel), notamment dans le transport de conteneurs et de véhicules.
À l’échelle mondiale, 198 terminaux de ravitaillement en GNL sont déjà opérationnels, avec 78 autres en projet. Sur ces infrastructures, 70 permettent déjà l’avitaillement en biogaz. En Italie, seuls deux dépôts sont actuellement en service (Ravenne et Oristano Higas), trois autres sont autorisés (Oristano Edison, Marghera, Brindisi), tandis que celui de Vado Ligure est en cours d’approbation et celui de Crotone en évaluation environnementale.
Une transition à accélérer
Le retard de l’Italie dans l’avitaillement en GNL pourrait freiner le développement de son industrie maritime. Il est impératif d’accélérer les procédures administratives et d’investir dans des infrastructures adaptées. Sans cela, les compagnies maritimes risquent de devoir adapter leurs itinéraires ou d’opérer ailleurs, au détriment des ports italiens et de leur compétitivité sur la scène internationale.